Ces jours-ci le débat fait rage au parlement, dans la presse et les réseaux sociaux : les députés doivent-ils avoir un casier judiciaire vierge?
Faute de temps et par soucis de lisibilité par le plus grand nombre, je voudrais faire quelques rappels historiques et poser des interrogations pour montrer que la réponse à la question n'est pas si simple...
LE CONTEXTE
Pendant la campagne électorale le président de la République alors candidat a promis
Il faut rappeler que le casier judiciaire se décline en 3 niveaux ("bulletin" n° 1, 2 et 3) qui n'ont pas le même contenu et sont accessibles à des bénéficiaires différents.
Le bulletin n°2 est ici le document adéquat et lors de la législature précédente des projets de loi inaboutis ayant ce but, étaient déjà en discussion au Parlement (ici ou ici par exemple, ce genre de projet ne date pas d'hier).
l'HISTOIRE
L'inventeur du casier judiciaire est un français; en 1848 il propose son système dans un ouvrage dont le titre est clair et déjà dans la perspective de "moraliser la vie publique":
En 1992 le code pénal a supprimé les peines accessoires ( c'est-à-dire implicites automatiques ou de plein droit); celles-ci s'opposent aux peines complémentaires (obligatoires ou facultatives) qui sont spécifiquement prononcées et donc effectivement portées à la connaissance du condamné (sur notre sujet voir cet article pas très clair qui pose tout le problème).
REMARQUES et QUESTIONNEMENTS
- Le B2 n'est pas la panacée de la moralité ; n'y figurent pas notamment les condamnations de jeunesse ou anciennes, celles prononcées à l'étranger et toutes celles dont le tribunal a dispensé de l'inscription*, etc. (art.775 & sq CPP).
- dans un des rares articles sur le sujet mon collègue Eric ALT, vice-président d'ANTICOR utilise, comme beaucoup, la comparaison avec la liste des professions conditionnées par un B2 vierge. En droit ce n'est pas opérant, même si de fait un casier B2 chargé fait obstacle. En effet contrairement à la volonté d'automaticité pour les élus, les recruteurs de professions surveillées ont un pouvoir d'appréciation au cas pas cas de la gravité de la mention au regard de la profession (c'est ce que signifie la mention de "compatibilité"); juridiquement il n'y a pas d'automaticité ; en l'espèce, quelle autorité l'apprécierait-elle pour les candidats à une élection?
Dans la seconde partie de son intéressante chronique il établit à sa juste valeur les risques d'inconstitutionnalité. On peut épiloguer sur ce risque, mais politiquement rien n'empêche le gouvernement de mettre ainsi la balle du laxisme dans le camp du Conseil Constitutionnel en ne prenant pas les devants d'une auto-censure.
Le projet actuel de peine complémentaire obligatoire va obliger les tribunaux à prononcer une inéligibilité pour toute une série d'infractions, alors que l'auteur, à 99,9% des cas, ne sera jamais candidat à une élection : c'est dire le surcroit de travail et les risques d'erreur par omission pour les juges. De plus la liste précises des infractions emportant inéligibilité peut faire l'objet de discussion sans fin (quid des harcèlements ?) : une usine à gaz !
Le système retenu, quel qu'il soit, envisage un filtre à l'entrée (contrôle exercé par le préfet à l'enregistrement des candidatures?) mais aucun suivi postérieur. On connaît les graves problèmes qui ont obligé à en prévoir un pour les employés de l'éducation nationale. On peut penser à un enregistrement de tous les élus au service du casier judiciaire, avec émission automatisée d'une fiche alerte en cas de condamnation incapacitante survenant en cours de mandat.(système ayant fonctionné pour les démarcheurs).
Finalement quels élus (on parle aussi des ministres) seront ainsi contrôlés : députés, sénateurs, maires, conseillers départementaux? Où s'arrêter?
CONCLUSION : on le voit pour faire une "bonne loi" nos parlementaires doivent donc connaître l'histoire et le droit !
* il faut savoir que la dispense d'inscription par le tribunal se fait assez facilement ab initio ou postérieurement sur simple requête